Vers un modèle économique de la voiture électrique similaire à celui des téléphones portables ?

I – Un nouveau paradigme de la consommation de la mobilité individuelle ?

Nous sommes habitués à une forme de consommation de la mobilité automobile bien établie : nous achetons un véhicule chez un concessionnaire, puis nous nous fournissons nous même en carburant auprès d’autres distributeurs. Cependant, la voiture électrique pourrait amener un nouveau paradigme de la consommation de la mobilité.

De toute évidence, la batterie de la voiture électrique sera louée au consommateur. Il s’agit là du seul mode de commercialisation à même d’éviter un cout d’achat de la voiture électrique prohibitif. Dès lors que l’on touche au mode de la commercialisation des véhicules electriques, pourquoi ne pas tout repenser ?! Pourquoi ne pas louer totalement le véhicule électrique, en introduisant un modèle économique similaire à celui des téléphones portables ? Imaginez que vous ayez le choix entre débourser 15 000€ pour une voiture thermique, et seulement 1€ pour une voiture électrique, tout en sachant qu’à l’usage les deux voitures vous couteront le même prix. A l’instar des forfaits téléphoniques, il est possible d’imaginer des forfaits kilométriques incluant la voiture électrique, la fourniture d’énergie et l’entretient.

Et n’oublions pas que la voiture électrique sera régulièrement  branchée au réseau electrique. Ce modèle pourrait donc également s’accompagner d’un grand nombre de services applicables à un véhicule électrique relié en permanence à l’Internet : téléchargement de musique pour l’autoradio, synchronisation en tout genre, géolocalisation de la voiture electrique à très forte valeur ajoutée, … l’imagination peut prospérer.

Ce changement de paradigme automobile semble inspirer certains entrepreneurs ambitionnant de se positionner sur ce maillon innovant de la chaine de valeur de la mobilité électrique. Le concept Better Place est particulièrement intéressant. Fondé par l’entrepreneur Shaï Agassi, ancien de SAP, la start-up Californienne a déjà convaincu Israël et le Danemark avec son concept. de développement de la voiture electrique. Le groupe vient même de passer un contrat avec Renault pour la fourniture de 100 000 exemplaires de la future fluence électrique. Le concept est exactement celui évoqué précédemment : Better Place compte développer sa propre infrastructure de charge de voitures électriques (en la faisant notamment financer par les gouvernements), et proposer les véhicules électriques en leasing, avec un forfait tout compris, de la voiture électrrique à l’énergie, en passant par un tas de petits services technologiques innovants.

II – Appréhension des enjeux majeurs de la voiture électrique pour les différents acteurs

Le modèle Better Place pour la voiture électrique est fondamentalement innovant et de nature à révolutionner l’automobile. D’une manière générale, il apparait clairement que le véhicule électrique ouvre un grand champ d’opportunités pour l’entrepreneur. La nouvelle manière de consommer la mobilité modifie profondément la chaine de valeur de l’automobile et va faire apparaitre de nouveaux acteurs de la mobilité individuelle électrique. Ces nouveaux métiers de la voiture electrique seront portés par la multitude d’innovation technologique visant à rendre intelligente et interactive la voiture électrique évoluant dans un réseau.

Cependant, l’entrepreneur enthousiaste devant ce vaste champ des possibles qui s’ouvre face à lui doit se rendre à l’évidence : l’apparition de la voiture électrique modifie les règles du jeu qui ont fait les beaux jours de l’industrie automobile. Par ailleurs, la voiture électrique pousse le marché de la mobilité individuelle sur les plates bandes des puissants énergéticiens. Nul doute que ces dinosaures ne sont pas enclins à ouvrir la porte du marché de la voiture electrique à de nouveaux entrants. La révolution électrique touchera aussi les positions historiques des industriels, et nous avons vu que ces géants étaient le plus souvent réfractaire à voir quiconque empiéter sur leurs plates bandes. Petit aperçu des défis que pose la voiture électrique aux différents groupes d’acteur :

1 – Les constructeurs

Dans le modèle économique de la voiture électrique, les constructeurs automobiles perdent la relation client. Ils se retrouvent simplement fournisseur de produits technologiques « simplifiés ». La relation commerciale et l’innovation est capturée par l’opérateur de mobilité et distributeur de voitures électriques. Cela est impensable : les réseaux commerciaux des constructeurs automobiles sont généralement faits de puissantes franchises qui ne sont pas prêtes à signer leur arrêt de mort. avec la voiture electrique Le réseau de distribution automobile, dont le modèle est déjà fragilisé par l’entretien fortement réduis de la voiture électrique, ne tolèrera pas le moindre retrait des constructeurs sur le volet commercial. En général, les constructeurs vont donc tenter de se positionner sur les services à forte valeur ajoutée de la nouvelle chaine de valeur de la voiture électrique, dont ils sont à l’origine.

2 – Les énergéticiens

Les énergéticiens se voient également prendre une part conséquente du gâteau que constitue la voiture électrique. Les électriciens comme les pétroliers sont assis sur des tas d’or et possèdent de très fortes capacités d’investissement pour ce nouveau marché que constitue la voiture électrique. Les énergéticiens entendent donc être de véritables acteurs dans le développement du véhicule électrique, qui devrait leur permettre d’augmenter de manière conséquente leurs volumes de vent (de kWh).

La vente de la voiture électrique s’accompagnera nécessairement d’un service électrique (installation d’un nouveau compteur à la maison de l’usagé), et potentiellement d’un contrat spécial de fourniture d’énergie electrique. Plus qu’un nouveau marché, la voiture électrique peut ainsi également faire office de cheval de Troie pour s’immiscer dans un foyer et proposer au passage une offre globale de fourniture d’énergie pour le logement, en plus du contrat pour le véhicule électrique. Or nous savons qu’avec la récente libéralisation du marché de l’énergie, les nouveaux entrants livrent une bataille acharnée aux acteurs historiques pour la conquête de nouveaux clients. Cette concurrence pourrait donc se porter sur le terrain de la voiture électrique.

D’une part, les nouveaux acteurs seront tentés de proposer des offres innovantes de mobilité électrique, avec comme perspective de profiter de l’effet cheval de Troie de la voiture electrique pour ravir des parts de marché aux acteurs historiques. D’autre part, ces dinosaures feront tout pour verrouiller le nouveau marché de la voiture électrique à leur profit.

3 – Les pétroliers

Les compagnies pétrolières ont également bien compris qu’elles devaient se positionner sur un marché ou le pétrole ne sera la seule source d’énergie pour la mobilité. Les Total, BP, Exxon ou autres Shell distribuent aujourd’hui l’énergie de la mobilité et le moyen de la stocker (le pétrole est en lui même de l’énergie stockée de manière liquide). Ces acteurs entendent bien jouer un rôle similaire dans la technologie de la voiture électrique : rester un acteur clé dans la distribution de l’énergie, en prenant potentiellement des parts chez les opérateurs de mobilité electrique. Ces groupes pourraient également se positionner sur le stockage de l’énergie en participant aux investissements nécessaires à la production des batteries des voitures électriques. Ils sont en effet habituer à prospecter du pétrole dans des pays lointains et à gérer le enjeux politico-économiques qui y sont liés. On peut imaginer qu’ils pourraient mettre à profit ce savoir faire pour le lithium des batteries de la voiture electrique.

4 – Les propriétaires de foncier « qualifié »

Les propriétaires de foncier « qualifié » pour la charge de voitures électriques, comme les gestionnaires de parking, ou encore les stations d’autoroutes, sont également intéressés pour participer à l’aventure du véhicule électrique. Ils possèdent en effet de grandes zones canalisant les flux de véhicules, incontournables pour le développement d’une infrastructure de qualité à même de répondre aux besoins des automobilistes électriques. La voiture électrique ouvre pour ces propriétaires fonciers une nouvelle voie pour valoriser leurs actifs. Ainsi, des acteurs, comme Vinci pour les parkings ou les concessions d’autoroute, sont amenés à s’impliquer dans l’activité d’opérateur de mobilité électrique.

Il est intéressant de noter que les plus gros propriétaires de foncier sont les municipalités et collectivités locales. Leur vision de la voiture électrique est bien différente de celle du secteur privé. Elle vise à proposer un service public de la charge électrique. Il s’agit pour elle de promouvoir une mobilité minorant l’impact sur la collectivité.

5 – Pour résumer :

La vague d’innovation apportée par la voiture électrique, et nommant le métier d’opérateur électrique, ne sera probablement pas un terrain dont les entrepreneurs auront l’exclusivité. De nombreux acteurs clés dont le rôle est indispensable à la mise en œuvre d’une infrastructure et d’un service de charge de qualité doivent coopérer pour que la voiture électrique rencontre son succès. Les acteurs vont donc s’allier et se regrouper au sein de structures uniques où chacun apportera sa compétence. De nombreux partenariats ont ainsi vu le jour, entre constructeurs de voitures électriques et énergéticiens, mais également avec des pétroliers, des propriétaires de foncier ou des grands industrielles (Renault, EDF, Schneider, Total, Véolia, …). Naturellement, les entrepreneurs auront leurs place dans le marché de la voiture electrique pour partager leur savoir faire en matière de dynamise et d’innovation commerciale.

Pour former ces nouveaux acteurs du marché de la voiture électrique, les états feront office de chef d’orchestre pour organiser la coopération de leurs industriels nationaux. C’est à ce niveau que les objectifs de service public seront intégrés aux projets  de voitures electriques et que les règles seront définies pour articuler la coopération des collectivités territoriales et des groupes privés.